Apprendre comment raconter un souvenir d’enfance en français.
Aprende como contar un recuerdo de la infancia en francés.
Learn how to tell a childhood memory in French.
Script:
Nous vivions à Trets à deux kilomètres avant l’entrée du village près de la grande route. Avec mon frère, nous avions l’habitude d’aller à l’école à vélo. Nous passions par l’ancienne route qui traversait les vignes jusqu’au cimetière qui marquait notre arrivée, parce que l’école n’était plus loin. Aujourd’hui encore, si je ferme les yeux, je revois assez distinctement le paysage et jusqu’à l’état du bitume, pour l’avoir fait tant de fois.
Cette année-là, j’étais en CM2 et mon frère, la classe en dessous. Le maitre nous faisait pratiquer les activités physiques dans la cour et nous préparait à l’entrée en sixième. Ma mère et mon beau-père travaillaient à Aix-en-Provence, à une vingtaine de kilomètres de la vieille ferme où nous habitions.
Il y avait un camion garé derrière que mes parents voulaient aménager pour faire un long voyage jusqu’en Asie, mais il n’a jamais bougé et nous ne sommes jamais partis.
Je me souviens, les jours de la rentrée début septembre, nous regardions les vendangeurs ramasser le raisin alors que nous filions à toute berzingue sur nos bécanes, nos cartables sur le dos. Nous avions un chien, une chèvre et une pie apprivoisée qui parfois nous accompagnaient un bout de chemin, le chien devant avec la pie dessus et la chèvre qui suivait en avançant par bonds joyeux, je crois que dans sa tête, elle était un chien et n’a jamais découvert sa nature de cabri.
J’aimais bien l’école, nous jouions aux billes et les filles à la marelle ou sautaient à la corde. J’étais plutôt bon élève et apprécié du maitre même si notre famille ressortait par rapport aux habitants de ce village provençal agricole.
J’ai plusieurs souvenirs de cette période de ma vie. Tout d’abord les bains de boue que nous prenions dès que les grosses pluies de fin d’été avaient détrempé le champ qui entourait la maison. La terre était grasse et collante, marron clair, parfaite pour s’en enduire en roulant dans les sillons. On en ressortait couvert des pieds à la tête jusqu’aux creux des oreilles pour notre plus parfait plaisir.
Une fois mon frère et moi, armés d’une unique pelle, nous avions décidé de creuser un tunnel qui partait du fond du terrain pour aller dévaliser la banque de France. Nous n’avons jamais dépassé le stade du trou qui même s’il nous avait demandé une belle somme de travail, après une courte concertation, nous avons changé de plan pour ce qu’il était, un très beau trou qui nous arrivait à la ceinture.
Pour autant, ce qu’il est resté de plus précis dans ma mémoire a été l’accident de mon frère qui l’a amené à l’hôpital aux urgences. C’était une belle journée de fin d’année scolaire, il faisait beau et nous avions décidé de passer par la grande route parce que c’était quand même plus rapide pour retourner à la maison. À cette époque, il y avait moins de circulation et nous n’étions pas vraiment conscients du danger même si les voitures roulaient bien vite parfois. Comme cela représentait quelques kilomètres, nous jouions à nous faire des queues de poisson avec nos vélos parce qu’à cet âge tout est susceptible d’être un jeu, lui devant, je le poursuivais en pédalant de toutes mes forces avant la fin de la montée pour le rattraper. Mais il avait été plus véloce et il avait pris de l’avance dans la descente au bout de laquelle il allait tourner à gauche pour rejoindre le chemin qui nous amenait au début du champ de la maison. Je pédalais, pédalais, pour le rejoindre, mais je n’ai pas pédalé assez vite et il a brusquement traversé la route pour prendre le chemin, c’est alors qu’une voiture qui allait à toute allure est sortie de nulle part et a percuté l’arrière du vélo de mon frère que j’ai vu voler comme un oiseau au-dessus de la route. Mon frère a atterri 60 mètres plus loin, sa bouche était en sang, ce jour-là, il a perdu une dent et demie. Le plus incroyable est que je revois le fil des images, mais que je n’ai plus souvenir de la peur que j’ai dû ressentir, mon esprit a toujours eu cette extraordinaire capacité de dissociation qui fait qu’aujourd’hui, 45 ans après, je ne ressens plus aucune épouvante ni culpabilité de cette scène horrible. Merci la vie.